La misère
Un pauvre sans logis, repoussant, m'a dit : j'ai
Bien mal aux yeux et le bras droit paralysé
Bien sûr que le pauvre diable n'a pas de mère
Pour le consoler doucement de sa misère
Il vit comme cela : pion dans une boîte,
Et passe parfois sur son front froid sa main moite
Avec ses bras il fait un coussin sur un banc
Et s'assoupit un peu comme un petit enfant
Mais au lieu de traversin blanc, sa vareuse
Se mêle à sa barbe dure, grise et crasseuse
Il économise pour se faire soigner.
Il a des douleurs. C'est trop cher de se doucher
Alors, il enveloppe dans un pauvre linge
Tout son pauvre corps misérable de grand singe
Un pauvre sans logis, repoussant, m'a dit : j'ai
Bien mal aux yeux et le bras droit paralysé
de Pierre Jean de Béranger