1. Qu'est-ce que le gaz de schiste?
Ce gaz tient son nom de la roche qui l'emprisonne - le schiste argileux (ou
shale, selon le terme exact en anglais, utilisé par les géologues).
Cette roche de basse perméabilité, peu poreuse, ressemble à de l'ardoise. Fracturée, elle libère du gaz naturel.
Le gaz de schiste argileux est un gaz naturel non conventionnel, puisqu'il ne peut être extrait selon les techniques de forage dites classiques. Il est emprisonné dans des formations rocheuses situées entre 1 et 3 kilomètres sous terre. Comme il possède moins d'impuretés que d'autres hydrocarbures, il bénéficie d'une forte demande dans l'industrie.
Sa présence dans le sous-sol québécois s'explique par la transformation de sédiments et de matières organiques il y a 450 millions d'années dans les basses-terres du Saint-Laurent.
2. Pourquoi en parle-t-on maintenant?
La découverte d'une importante quantité de gaz naturel non conventionnel dans le schiste argileux du Québec, en 2007, et l'amélioration des techniques de forage ont suscité l'intérêt des sociétés gazières et du gouvernement.
La méthode d'extraction du gaz présent dans le schiste argileux est le résultat de longues recherches.
À cause de la faible perméabilité de cette roche, le défi était de trouver un moyen pour récupérer le gaz qui n'était pas regroupé dans des trous sous la surface, comme dans le cas des hydrocarbures conventionnels.
C'est grâce aux travaux de l'ingénieur et entrepreneur texan George Mitchell qu'il a été possible de développer une méthode d'extraction. Au milieu des années 1990, après 17 ans d'essais, il est parvenu à adapter la technique de la fracturation hydraulique (utilisée depuis une soixantaine d'années) à l'exploitation du gaz de schiste argileux.
L'hydrofracturation consiste à injecter de l'eau, dont la pression fait éclater la roche, et du sable au moment de la fracturation du schiste argileux. Les grains de sable permettent d'empêcher les fractures de se refermer, une innovation dans le procédé d'extraction.
Un forage vertical, progressivement dévié pour devenir horizontal, vise à récupérer le gaz dans la couche de schiste argileux de chaque côté du puits. Cette méthode, tel que l'explique Denis Lavoie, chercheur en géoscience à la Commission géologique du Canada, permet d'augmenter la productivité dans la zone de forage en interceptant l'unité chargée de gaz sur une plus grande distance.
3. Quel potentiel au Québec?
La formation rocheuse des
shale d'Utica, riche en gaz, s'étend principalement sous la vallée du Saint-Laurent, entre Québec et Montréal. Le sous-sol des régions du Centre-du-Québec, de Chaudière-Appalaches et de la Montérégie est réputé contenir les gisements les plus importants.
Selon des estimations volumétriques de l'industrie, près de 40 trillions de pieds cubes de gaz naturel pourraient être récupérés dans cette zone, une quantité suffisante pour répondre aux besoins énergétiques de la province pendant des décennies.
Le gouvernement du Québec a accordé, depuis 2007, près de 460 permis de recherche pétrolière et gazière sur le territoire québécois, notamment dans des zones habitées et agricoles de la vallée du Saint-Laurent.
4. Quels sont les avantages du développement de l'industrie des gaz de schiste au Québec?
L'ancien gouvernement libéral a insisté sur l'occasion pour le Québec de limiter sa dépendance à l'Alberta en matière d'approvisionnement énergétique. En produisant sur place le gaz nécessaire à divers secteurs, dont celui de l'industrie sidérurgique, la province réduirait ses importations d'hydrocarbures.
Selon les calculs de l'ancienne ministre des Ressources naturelles et de la Faune Nathalie Normandeau, le Québec achète à l'Alberta près de 14 milliards de dollars annuellement en pétrole et en gaz.
L'économiste en chef de Talisman Energy, Dean Foreman, estime que si le Québec exploite le plein potentiel de cette ressource naturelle, il éviterait d'importer l'équivalent de 2 milliards de dollars par année en hydrocarbures.
Le président de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) insiste pour sa part sur la création d'emplois. André Caillé évalue que l'industrie du gaz de schiste pourrait créer autour de 7500 emplois locaux.
Le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune avait parlé aussi de quelque 3000 emplois indirects.
5. Quels sont les inconvénients du développement de l'industrie des gaz de schiste au Québec?
L'industrie du gaz de schiste en Pennsylvanie L'un des principaux enjeux de l'exploitation du gaz de schiste repose sur la manière de la réaliser sans risques pour l'environnement et les populations locales.
Les experts de l'industrie se veulent rassurants quant aux possibilités de fuites, notamment à cause du resserrement des règles de forage. Les puits sont notamment construits avec un triple coffrage d'acier cimenté, et le forage s'effectue à de grandes profondeurs.
Pourtant, à Dimock (Pennsylvanie), des nappes phréatiques ont été contaminées par du méthane. Le chercheur Denis Lavoie nuance toutefois le lien à établir entre cette contamination et l'exploitation de gaz de schiste argileux.
Selon lui, il faut analyser le méthane issu de cette fuite pour déterminer s'il provient du puits ou de la surface, où l'action des microbes et des bactéries peut elle aussi produire du gaz.
Mais le principal problème demeure le traitement des eaux usées, qu'il faudra encadrer par des règles strictes.
Les groupes écologistes s'inquiètent par ailleurs du fait qu'entre 25 et 50 % de l'eau utilisée pour le procédé d'extraction, donc mélangée aux additifs, est récupérable - ce qui est bien peu à leur avis.
La technique de fracturation utilise 95 % d'eau, environ 5 % de sable et moins de 1 % de produits chimiques. Ces produits permettent notamment d'augmenter la fluidité de l'eau, d'éviter la corrosion des coffrages protecteurs du puits et d'éliminer la pollution organique.
Certaines compagnies gazières ont publié une liste des produits utilisés. Ils sont inoffensifs, estiment-elles, puisqu'on peut les retrouver dans nombre de biens de consommation. Comme aucune réglementation ne les force à publier ces listes, rien ne garantit pourtant qu'elles soient exhaustives.